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diaphane express

15 mars 2008 6 15 /03 /mars /2008 12:49
chez moi, l’horizon porte des croix

elles sont comme érables et chênes, ponctuent le paysage, dessinent d’étranges silhouettes au ciel chargé qui se prépare à nourrir la terre

chez moi, le moindre hameau aux bâtisses en torchis porte son monument et ces noms inscrits sur la pierre

l’histoire et l’âme des hommes balayent l’argile et le calcaire

-----

il n’est pas parti la fleur au fusil, il avait lu, n’aimait pas les guerres, ils revenaient morts ou cassés, était-il encore boulanger ou déjà fermier, mon père ne me l’a pas dit,

undefinedil faisait froid ce jour là, la terre creusée s’effondrait en charpies de boue et de sang

et ce gradé qui gueulait, emmuré certainement dans ce cahot d’incohérence, de fracas

- vous trois, retournez à votre poste, ils ont des tireurs d’élite, descendez les ! allez !

blottis au fond de ce trou qui n’en finit pas avec juste le silence ponctuellement souillé de râles, ils reprirent la position et c’était chacun son tour, il avait été le dernier, juste relever la tête, chercher rapidement l’ombre qui dépasse et tirer,

peut-être se sont-ils regardés longuement, le premier a essuyé son fusil de la manche, l’a armé et s’est redressé à demi, l’œil collé au viseur, l’écho d’une balle meurtrière sur la plaine qui suinte, et son corps qui tombe lourdement sur celui du suivant

- merde, tuez-moi ce boche ou j’m’occupe de vous !

il lui a dit, n’y va pas, et l’autre de répondre, j’ai pas l’choix

comme un hommage à son compagnon, lui aussi a caressé le canon puis la crosse et s’est accroupi avant d’entrevoir l’horizon sans être aveuglé par la balle qui lui perce le front

puis ce fut le silence, il est resté muet à fixer bêtement les corps de ses deux potes

mon père ne m’a dit la suite, juste qu’il a survécu

-----

ça gueulait pour couvrir le fracas de la mitraille

éleveur puis vendeur de bestiaux il se retrouvait là, à ramper, à surveiller la progression de ses compagnons d’enfer, ma mère ne m’a pas tout dit, mais lui avait-il tout dit ?

des volcans de terre jaillissaient impromptus avec leurs éclats de chair et le sifflement des balles comme chant funèbre, puis le néant

undefinedquand il ouvrit les yeux, c’est la douleur qui le sauva, cette main bouillante et informe et sa bave de sang, il a rampé jusqu’à sortir péniblement de ce bourbier de mort, ramper, faire le mort, dissimuler sous une indicible douleur l’inerte pour mieux fuir cet apocalypse,

puis en titubant, ne sachant ou aller dans cette brume d’abandon, il a marché, hébété et absent

- monsieur, monsieur, viens, t’es blessé, je sais ou aller

doucement, dans ce coma d’impasse, il a tourné les yeux et cette petite fille qui le tire et le dirige soudain le régénère, son pas résiste et le redresse, sous le préau de l’école, l’enfant ouvre le robinet et lave cette main et ces peaux éclatées et pose sur son visage la fraîcheur d’une caresse humide et salvatrice

ma mère ne m’a dit la suite, juste qu’il a survécu

-----

il s’appelait Lazare

pas d’immigration en ces temps, pas besoin d’être français pour défendre la pays, vingt cinq ans et deux guerres pour obtenir la carte de la nation, lui qui voulait retrouver la dernière fosse dans l’anonymat aux usures diplomatique a dit oui au symbole mais seulement pour tous ces camarades d’horreur et pour la mémoire

laissons lui les derniers mots : « Nous avons fait une guerre sans savoir pourquoi nous la faisions. Pourquoi se tirer dessus alors qu'on ne se connaît pas ? Il y avait des gens qui avaient des familles à nourrir ». « Si vous faites un hommage, qu’il soit sans tapage important et sans défilé militaire ».

undefinedvoir aussi et ici

illustrations : Franck Biancarelli, Adrien Floch, Juan Giménez - extraites du collectif : Paroles de Poilus / Librio / les plus belles lettres en BD

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commentaires

C
Un texte infiniment poignant , sensible, puissant pour témoigner de la folie , de la boucherie , de cette guerre , de toutes les guerres, j'ai aussi  posté un article  sur mon blog à ce sujet il s'agit d'une nouvelle courte  : " l'exemple "  si cela t'interesse  c'est ici  : http://chrystelyne.over-blog.com/article-5805252.htmltrès bon week-end chrystelyne
Répondre
D
<br /> merci chrystelyne,<br /> j'avais lu ton écrit, nous avons ce sens d'être sensibles aux destins des hommes dans l"histoire, du coeur et de la conscience et le souvenir des artisans qui bâtirent si fragile soit-il notre<br /> présent mû de passé,<br /> merci à toi<br /> <br /> <br />
L
MerciIls sont tant à être mortsau champ d'horreur !
Répondre
D
oui Luc, c'est une période qui me touche beaucouples deux histoires sont celles de mes grand-pères respectifsmais tu dois connaître ça, toi qui vis dans l'esttoutes ces croix et ces monuments aux morts"quelle connerie la guerre"

voyages immobiles

pétrir les nuées,

ce jus d’humain

écarlate et bleu parfois

aux stries asséchées,

des paradoxes d’histoire

font les aubes béates,

se pencher au miroir tremblotant,

s’y voir et plonger la main

à tâtons y cueillir l’amour

city.jpg

viens,

il traine ici des relents de soufre,

ces nuits d’uniformes

de cagoules et de coups,

palper les vides,

filets d’égoïsme, d’ignorance,

gris et encore cramoisis,

villages bombardés,

vos crachats meurtriers font les différences,

aux arrières cours,

les limousines et costumes veillent,

cravates au fond des banques,

transis mais toujours à l’affut,

retrouver la rue,

le droit de dire, de se préserver…

 

viens,

on va se faire des baisers,

se toucher et frémir,

se plonger en iris,

dire caresses et mots,

faut surmonter comme excrément peut-être,

leur héritage,

leurs protocoles et tabous,

et si les gestes sont mêmes,

les échéances dévoreuses et lénifiantes,

ne laissent en germes

que déserts et murs,

sur la vitre,

méandres de pluie,

ta peau aux confins d’étoffe,

survivance éphémère et fragile,

faire avec l’instant…

thailande.jpg

viens

ne pas se perdre au fond des jungles,

aux chauds effrois du désert,

aux spasmes du fleuve, tourmenté et haletant,

chercher le parasite au tréfonds du poil,

ces sourires édentés,

de sagesse, d’aride et de moussons,

les peaux se touchent, se mêlent,

engluées,

débris de marécages, forêts tatouées au bitume,

filets qui suintent, dépouillés de frémissements,

glaces orphelines et mourantes,

on tend même plus la main

pour dire au secours, pour connaître l’autre,

des bruits de sirène et de moteurs,

si loin de l’ocre cloaque des eaux nourricières,

et ces marbrures vérolées qui veinent l’argile,

sagesse.jpg

viens

traversons ensemble

la courbe de brume et ces vagues d’illusions,

dans leur coupe, le sang du sacrifice

tout comme la bombe dans l’autobus,

l’âme a perdu son âme,

à l’ombre de l’édifice, pèlerins affamés d’ailleurs,

englués de certitudes,

croix, croissant, étoile,

la mitraillette aux portes du temple,

et des voiles de drapeaux et d’armures,

derniers battements de cœur,

mais restent les légiférants,

et nous courbés, boucliers d’égoïsme,

muets et tremblotants,

voila quelquefois des mains qui se serrent,

les bouches fumantes des sillons chuchotent,

aux reflets aveugles des cités,

je suis à genou ?

peut-être avec toi,

juste au nom de l’humain…

auroville.jpg

...

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dans un monde de brutes...