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diaphane express

16 juin 2006 5 16 /06 /juin /2006 21:30
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c’est un préfabriqué en banlieue de Kampala, ces pièces vides, synthétiques, aux couleurs sans couleurs, et c’est pourtant là, doucement, avec des peaux d’autres couleurs que l’éclat tente d’atteindre d’autres pupilles, l’éclat aux déchirures d’une balle ou celui d’un œil attentif ou aimant qui veut que la vie triomphe, loin des herbes rouges et fumantes,

- allez, dessine-moi un arbre, tiens, regarde je t’en fais un

il y a chez l’enfant un égarement tatoué au fond de l’être, il reste immobile, les yeux baissés, fixés vers on ne sait quelle horreur

- Kilama, dessine moi un arbre, s’il te plait…

je l’ai vu derrière mon écran de bienséance

l’enfant, certainement plus adulte que nous a treize ans

et lentement sans effacer ces plaies de douleurs et d’incompréhension, lentement, Kilama va parler, va laisser couler un sang d’une autre couleur, celui du silence soumis, terrassé, et du cri, du hurlement aux prises à l’impensable et l’inadmissible

ce jour là, l’enfant a neuf ans et dans son village la vie est difficile mais douce encore, et puis les rebelles sont arrivés, ils ont violé, tué, tué son père

ils l’ont emmené

Kilama, il est beau, ce visage aux couleurs brunes veinées d’ébène, ces yeux baignés d’albâtre, ces volcans de peau, témoins irrémédiables de violences subies

il a marché, longtemps, ils l’ont frappé pour qu’il continue d’avancer, ils l’ont gardé si longtemps, et là, un matin alors que du bout des doigts il raclait le fond de son bol, ils sont venus le chercher

- aujourd’hui tu vas nous prouver que tu es avec nous, on t’a nourri, protégé, à toi de nous montrer ton merci, tu dois être combattant aujourd’hui, tu es soldat, pour la cause

Kilama ne comprend rien, ne sait même plus si il a peur, ballotté au fond du 4X4 sous la crosse de la mitrailleuse, il observe le visage de ses hommes déjà perdus dans leurs excès à venir, et figé, porté de force, battu, toujours avancer, il revit le cauchemar qui le hante

ils entrent, habitat de misère, la mère, le bébé, tirent sur le petit et blessent sciemment la mère, ils sont cinq, se regardent, soudain le silence, non ils sont six

- eh Kilama, t’es des nôtres, viens ici, regarde-la, c’est une traître, allez fais ton devoir !

l’enfant a onze ans, que comprend-il lorsque hébété, mécanique, il prend la machette que le rebelle lui tend, il tremble, voudrait tellement être à mille lieux d’ici et de maintenant, maman ce pourrait être toi, avec ce sang qui coule, ce regard muet qui hurle et implore la vie

- allez, allez, tue-la, ou c’est toi qu’on tue !

par trois fois…

avec tremblements et lenteur, l’arbre naît sur la feuille, un arbre flou, presque transparent, aux branches de porcelaine et la cime voûtée, mais un arbre, tout à l’heure il est allé voir son copain, lui aussi, les rebelles, les frappes et l’indicible, un jour il leur a refusé, défi illusoire et naïf à la conscience humaine, ils lui ont coupé le nez, les oreilles et les doigts

je l’ai vu derrière mon écran de bienséance

Kilama, il est beau avec ses mots si simples qui nous giflent de sagesse et d’humilité et cette braise de mémoire cachée sous les paupières

 

 

ce texte est dédié à Kilama

plus de 10 000 enfants enlevés  en Ouganda

près de 300 000 « enfants – soldats » dans plus de 30 pays, aujourd’hui

et la honte pour nous tous

et puis voir ici

musique : Petit / Bernard Lavilliers

photo : P. Colleu

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commentaires

A
Coeur en miette...C'est insupportable...
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I
ce texte est un magnifique témoignage, un engagement de ta part à être aux côtés des silencieux face aux déferlement s de violences. C\\\'est terrifiant et notre non-engagement est une véritable maladie du bien être des stes occidentales . Fais-tu partie d\\\'un organisme, es-tu médecin? en ce qui me concerne je suis avocat et la dénonciation des violences me tient à coeur aussi. merci d\\\'etre passé sur mon blog ce qui m\\\'a permis de connaitre le tien.
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D
bonjour if 6, j'ai presque envie de te répondre que je ne suis qu'humain et qu'il en reste comme toi, comme nous, comme tous ceux qui sont venus poser leurs mots sur ce texte et qui gardent encore le coeur et la révolte face à l'inacceptable - j'ai écris ces quelques lignes en réaction à un reportage sur arte, oui comme je l'ai dit à Domi, le visage du petit Kilama me hante toujours, nous sommes tellement impuissants face à l'absurde des hommes - puisses-tu à ta façon combattre pour le bien !
D
oui, honte, horreur, monstruosité, pour tous ces enfants du bout du monde; mais si vous saviez ce que subissent certains qui vivent à coté de chez vous....ma honte est encore plus grande, surtout que j'en recois presque chaque nuit aux urgences.Alors oui, il faut dénoncer sans relache ces horreurs MONDIALES  ET LOCALES.AmitiésDysis
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D
merci Dysis, merci surtout pour ceux et celles qui comme toi agissent dans le silence et l'ombre pour panser tous ces maux
V
hélascela existe encore au zaIreet dans dant de payts...dénonlcer sans relache
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D
merci Viviane pour ton passage, il n'y a pas que l'Afrique, l'Amérique du sud, l'Asie et plus sournoisement nos pays dit "civilisés" font de nos enfants des "outils" à servir (asservir) leurs desseins de pouvoir et de conquête - oui dénoncer et combattre sans relache
I
de rien .)
Répondre

voyages immobiles

pétrir les nuées,

ce jus d’humain

écarlate et bleu parfois

aux stries asséchées,

des paradoxes d’histoire

font les aubes béates,

se pencher au miroir tremblotant,

s’y voir et plonger la main

à tâtons y cueillir l’amour

city.jpg

viens,

il traine ici des relents de soufre,

ces nuits d’uniformes

de cagoules et de coups,

palper les vides,

filets d’égoïsme, d’ignorance,

gris et encore cramoisis,

villages bombardés,

vos crachats meurtriers font les différences,

aux arrières cours,

les limousines et costumes veillent,

cravates au fond des banques,

transis mais toujours à l’affut,

retrouver la rue,

le droit de dire, de se préserver…

 

viens,

on va se faire des baisers,

se toucher et frémir,

se plonger en iris,

dire caresses et mots,

faut surmonter comme excrément peut-être,

leur héritage,

leurs protocoles et tabous,

et si les gestes sont mêmes,

les échéances dévoreuses et lénifiantes,

ne laissent en germes

que déserts et murs,

sur la vitre,

méandres de pluie,

ta peau aux confins d’étoffe,

survivance éphémère et fragile,

faire avec l’instant…

thailande.jpg

viens

ne pas se perdre au fond des jungles,

aux chauds effrois du désert,

aux spasmes du fleuve, tourmenté et haletant,

chercher le parasite au tréfonds du poil,

ces sourires édentés,

de sagesse, d’aride et de moussons,

les peaux se touchent, se mêlent,

engluées,

débris de marécages, forêts tatouées au bitume,

filets qui suintent, dépouillés de frémissements,

glaces orphelines et mourantes,

on tend même plus la main

pour dire au secours, pour connaître l’autre,

des bruits de sirène et de moteurs,

si loin de l’ocre cloaque des eaux nourricières,

et ces marbrures vérolées qui veinent l’argile,

sagesse.jpg

viens

traversons ensemble

la courbe de brume et ces vagues d’illusions,

dans leur coupe, le sang du sacrifice

tout comme la bombe dans l’autobus,

l’âme a perdu son âme,

à l’ombre de l’édifice, pèlerins affamés d’ailleurs,

englués de certitudes,

croix, croissant, étoile,

la mitraillette aux portes du temple,

et des voiles de drapeaux et d’armures,

derniers battements de cœur,

mais restent les légiférants,

et nous courbés, boucliers d’égoïsme,

muets et tremblotants,

voila quelquefois des mains qui se serrent,

les bouches fumantes des sillons chuchotent,

aux reflets aveugles des cités,

je suis à genou ?

peut-être avec toi,

juste au nom de l’humain…

auroville.jpg

...

Dans L'armoire

une présence

...un peu de douceur,
dans un monde de brutes...