c’est aujourd’hui la grande journée de l’hypocrisie, celle ou l’on offre des fleurs dans les assemblées ou l’on affiche des visages sur les grilles des parlements ou l’on fait (encore !) de belles promesses
même les plus machos y vont de leurs discours mensongers et populistes
aujourd’hui c’est la journée de la femme
dans ce marasme ambiant aux relents de misère et de fric ou la femme est voilée, brûlée, soumise, exploitée me vient le souvenir d’une grande combattante, bien loin d’être pute ou soumise bien loin d’être chienne de garde, non juste humaine, dressée sur les barricades ou croupissante dans une geôle calédonienne
cette femme qui refusant déjà la pensée unique créa ses propres écoles, fût toujours proche des déshérités et porte-parole du monde ouvrier et de la justice
laïque, indépendante et bien qu’on l’affublât d’anarchiste ou de communiste elle n’adhéra toute sa vie qu’à sa propre conscience
cette femme s’appelait Louise Michel
prenez le temps de lire cet extrait de « l’Ere nouvelle » publié en 1887 et tellement d’actualité
Ainsi souffle la brise matinière à la vermeille aurore du Monde nouveau.
Les religions et les États sont encore là, devant nos yeux, mais les cadavres n'ont-ils pas gardé l'apparence humaine quand on les ensevelit pour les confier à la terre ?
La pâleur, la rigidité des morts, l'odeur de la décomposition, n'indiquent-elles pas que tout est fini pour l'être qui a cessé de vivre ?
Cette pâleur, cette décomposition, la vieille société les a déjà dans les affres de son agonie.
Soyez tranquille, elle va finir.
Elle se meurt la vieille ogresse qui boit le sang humain depuis les commencements pour faire durer son existence maudite.
Ses provocations, ses cruautés incessantes, ses complots usés, tout cela n'y fera rien ; c'est l'hiver séculaire, il faut que ce monde maudit s'en aille : voici le printemps où la race humaine préparera le nid de ses petits, plus malheureux jusqu'à présent que ceux des bêtes.
Il faut bien qu'il meure ce vieux monde, puisque nul n'y est plus en sûreté, puisque l'instinct de conservation de la race s'éveille, et que chacun, pris d'inquiétude et ne respirant plus dans la ruine pestilentielle, jette un regard désespéré vers l'horizon.
On a brûlé les étapes ; hier encore, beaucoup croyaient tout cela solide ; aujourd'hui, personne autre que des dupes ou des fripons ne nie l'évidence des faits. -- La Révolution s'impose. L'intérêt de tous exige la fin du parasitisme.
Quand un essaim d'abeilles, pillé par les frelons, n'a plus de miel dans sa ruche, il fait une guerre à mort aux bandits avant de recommencer le travail.
Nous, nous parlementons avec les frelons humains, leur demandant humblement de laisser un peu de miel au fond de l'alvéole, afin que la ruche puisse recommencer à se remplir pour eux.
Les animaux s'unissent contre le danger commun ; les bœufs sauvages s'en vont par bandes chercher des pâtures plus fertiles : ensemble, ils font tête aux loups.
Les hommes, seuls, ne s'uniraient pas pour traverser l'époque terrible où nous sommes ! Serions-nous moins intelligents que la bête ?
Que fera-t-on des milliers et des milliers de travailleurs qui s'en vont affamés par les pays noirs dont ils ont déjà tiré tant de richesses pour leurs exploiteurs ?
La société humaine n'en a plus pour longtemps de ces guerres qui ne servent qu'à ses ennemis, ses maîtres : nul ne peut empêcher le soleil de demain de succéder à notre nuit.
Aujourd'hui nul homme ne peut vivre autrement que comme l'oiseau sur la branche, c'est-à-dire guetté par le chat ou le chasseur.
Les États eux-mêmes ont l'épée de Damoclès suspendue sur leur tête : la dette les ronge et l'emprunt qui les fait vivre s'use comme le reste.
La révolte ! c'est le soulèvement des consciences, c'est l'indignation, c'est la revendication des droits violés... Qui donc se révolte sans être lésé ?
Plus on aura pesé sur les misérables, plus la révolte sera terrible ; plus ceux qui gouvernent commettront de crimes, plus on verra clair enfin, et plus implacablement on fera justice...
Si l'amour de l'humanité est impuissant à faire sonner l'heure libératrice à l'Horloge fraternitaire -- heure où le crime n'aura plus de place -- l'indignation s'en chargera.
féministe avant l’heure, éclairée d’une utopie humanitaire inébranlable, elle refusera les discriminations, cette justice au service des pouvoirs, elle cherchera aussi sur le terrain de la psychiatrie avec toujours au cœur le besoin de transmettre et la notion d’égalité pour tous
déportée en Nouvelle Calédonie, elle dénoncera le colonialisme et se fera à nouveau enseignante auprès des indigènes
Verlaine la nommera « la presque Jeanne d’Arc » et Victor Hugo sera à ses cotés dans nombre de luttes
Louise, l’écorchée, la juste, qui répondra au Président du tribunal lors de son procès en 1871 :
« Si vous n'êtes pas des lâches, tuez-moi ! »
Louise si tu pouvais revenir…
"Ce n'est pas une miette de pain, c'est la moisson du monde entier qu'il faut à la race humaine, sans exploiteur et sans exploité."
"La tâche des instituteurs, ces obscurs soldats de la civilisation, est de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter."
(Louise Michel / 1830-1905 / Mémoires / 1886)