d’ou me venait ce trouble, cette fascination juvénile ? elle n’avait pas cette démarche chevaline, déhanchements anorexique et bouche figée
non, le pas est souple tout emprunt de grâce, l’ondulation transcende les courbes sous l’étoffe et l’œil pétillant nimbe d’aura cette silhouette vaporeuse
derrière le rideau l’émotion du couturier, subjugué devant tant de beauté
oui de beauté
là, juste sous l’œil gauche, ce grain d’étoile que les modistes s’efforcent d’effacer, formater ce qui n’en a nul besoin bien au contraire et puis l’échancrure, la vague suggérée, tiédeur de velours, chemin de gorge au pôle du désir, le corps et le regard exultent
elle est belle, oui belle
avec une simple bicyclette elle va nous emmener ailleurs, nous offrir l’autre beauté, celle d’un cœur pur, d’un talent qui va naître sans pudeur sous nos yeux et s’affirmer dans la diversité et l’émotion, une âme forte et toujours cette timidité naïve, cette aspiration d’apprendre dans la modestie et l’humilité, elle dansera pour un gaulois, sera prostituée triste, femme abandonnée pleine d’errances, locataire révoltée et puis elle sera ondine
les planches résonnent de son jeu, le texte jaillit et couvre la salle, elle s’emporte, une enfant de tendresse qui envoute et séduit et nous laisse pantelant au rideau refermé
on a dit ses formes trop généreuses, elles ne sont que reflets de ce qui l’habite
ce trouble, oui je me souviens désormais, peut-être le filigrane d’un amour enfoui, certainement ou juste l’aspiration déifiée d’un rêve masculin…