- avancez,…encore, …plus près, que je vous vois, que je vous juge, ce n’est pas l’inquisition juste un constat et comme c’est le vôtre vous ne devez rien craindre si ce n’est vous-même,
approchez encore un peu, parlez moi du début…
- le début, ben, heuhhh, la chambre avec mon frère, des cauchemars de bombardement, toujours le même avion, les mêmes bombes, je sais d’où ça vient, la tribune de l’histoire à la radio, mes parents attentifs et silencieux, pas de télé en ces temps, petit pavillon bientôt mangé d’immeubles ceux là même qui engendreront les incendies, plus tard je reproduirai mes rêves de feu et de peur, le B52 d’Heller accroché au plafond,
un jour je traversais le pont de la grande ceinture ou les rails vont nourrir de leurs automates la grande capitale, il y avait un chien indécis entre les flux de circulation, je l’ai appelé, je le sentais tellement perdu, à la vue d’un œil et d’une voix alliée il a traversé et tant d’années plus tard le souvenir de mes mains enserrant ce petit corps mourant, c’est ma faute et il sera trop tard, et puis la bibliothèque et le collège, les traits d’un manche de guitare tracés au feutre sur mon décimètre de géométrie, le harcèlement d’un petit roquet, chef de bande qui me faisait me planquer derrière les chiottes pendant les récrés, les jambes des femmes que les mini-jupes soudain dévoilent, le morne et tendu, quelquefois exacerbé, du quotidien parental,…
- c’est quoi ce silence et puis venez plus prés, je ne vous vois pas bien…, pourquoi cet éloignement méfiant à l’espèce humaine, cette marginalité comme un étendard et qui pourtant vous nuit tant ?
- un constat, juste ce que mes yeux entrevoient, des larmes aux bombes, des « je t’aime » qui se perdent aux abysses trouées de nos âmes, tous ces doigts tendus qui palpent le vide, une table de bahut gravée, « c’est toi le pouët ! » j’ai pris les mots comme couverture, boucliers invisibles et surement narcissiques, à les lire, et à tenter de les poser à nouveau, je m’y suis perdu douillettement, et puis, banc d’incorporation, la moitié du crane tondue et l’autre qui attend sous les rires gras d’une bande de gradés, loin des trajets de retour d’internat que j’envie désormais, la route au travers le carreau et la question parentale, me souviens plus du visage, aréoles galaxies, moiteurs marécages à s’y égarer, s’y perdre, et toujours ce frisson, les gars du matin et les fringues dans le casier, tressautements de machines jusqu’au fond des nuits, misère bienheureuse de l’ignorance et de l’identique, et déjà ce tremblement, fragile ou démesuré d’une main avide,
- l’homme vous déçoit, vous en êtes un, …attendez, …je ne vous vois pas bien, venez plus près,… pour vous juger il me faut aussi la ride et le reflet de l’œil, toujours le mensonge transgresse avant d’être apprivoisé, vous n’êtes que contradictions et utopies, trouvez-vous donc une raison et défendez la !
- je n’ai pas de raison à chercher vos statuts d’impasse, je constate l’homme, toutes ces guerres latentes du couple aux nations, ce besoin génétique d’être le meilleur, nous sommes nés mauvais, Darwin n’a pas eu le temps de le démontrer, juste une dégénérescence animale, je suis autre, imparfait mais lucide, nous sommes nombreux, notre silence rejoint celui de l’étoffe orange secouée du vent des sommets, celui de l’enfant et son sang, cadeau d’occident, de nos cafés tièdes à l’orée du matin, et du plaisir caniveau des autosuffisances,
nous sommes humains ?!
- vous parlez jusqu’au grandiloquent, mais il faut bien des règles, vous le savez,
- oui hélas, il faut des règles, l’homme ne peut cohabiter avec lui-même !!! ? c’est pas ça, la source de la merde ? grandiloquent, ouai dans vos costards morgue, au miel hypocrite de vos mots et sourires, au plis de vos draps froids de trop de mensonges et reniements, je revendique ma misère, elle ignore les palaces et s’indiffère du cultissime hommage à l’égo, voyez, je m’approche, je vous offre la perle lente et lourde du transmettre balbutiant, bouée chancelante à des flots déchainés, grandiloquent ? pauv’con !
- vous vous égarez et l’emportement n’est pas excuse ni argument, …oui je vous vois mieux, vous n’avez pas tout dit, et après ?
- je suis entré au monde du travail, à raz de terre, manœuvre, plus tard je fus « chef » puis contrôleur, bouffer du concours, technicien, ingénie… les gueules fades de la cour des fumeurs, les ragots d’avancements, l’inculture en panache, et des tendresses de photocopieurs, la grandiloquence du rien, du morne et du mâché, celle qui me fait hoqueter, de refus et d’impuissance, constat de troupeau soumis à l’abreuvoir, je suis pas brebis mais égaré, attendez, c’est pas moi qui n’est pas donné suite, c’est vous et votre blindage législatif et « culturel », vos hiérarchies et coutumes, vos soubassements de papier, j’ai sondé les nuits et le fond des sanglots, appris le caméléon pour s’insérer et ne pas déplaire, j’ai observé,
- venez plus près, offrez moi vos yeux, je veux le vrai !
- il n’y a que du vrai, celui du mesquin au nombril idole, de la tache égocentrique des hommes sur les peuples, sommes si petits, si muets de frisson, j’aime pisser la nuit la tête dans les étoiles, à rêver, rêver, et voilà deux enfants, oui transmettre tant que l’humain perdure, et l’effroi aux fosses de l’amour, de n’avoir qu’à offrir le feu et le dénie mais quel horizon ! pardon mes fruits de vie de laisser à vos pupilles et cœurs, ce triste sentier, tout reste à défricher mais l’histoire en témoigne autrement,
- vous offensez l’âme de l’homme, c’est sans appel ! vous avez honte d’être un de ceux qui marchent debout ? absent à votre espèce ? mais quelle issue, qu’avez-vous à dire ?
- l’issue ? celle formatée d’écrans éphémères, de la conscience possessive du politique à l’inconscience lénifiante du peuple, de voix pétrifiées de certitude, prêcheurs aux échos de peurs et de servitude, pardon pour la grandiloquence, ça s’appelle l’écriture, et l’émotion, …n’est-ce pas l’indifférence qui vous meut, c’est délit ou marginalité de croire en l’autre, juste en l’homme ? …pleurer les morts, ceux qu’on entrevoit, défendre les bonnes causes, et vous, cautionner les guerres et, filet de vomissements, méandres d’irréparable, bouquets séchés de baisers invisibles, ne faire que sourire, silence comme bouclier, bonjour merci sans même plus se voir, il n’y a pas d’autre fin que celle du face à face, faites vite, et s’il vous plait, regardez-vous !
- la parole est belle et démagogue, la porte est là ! vous entrez ou sortez ? vous vous savez n’être qu’intemporel, tout se transforme, soyez image, reflet, simplement maillon, qu’espérez-vous embellir ?
- nous n’avons fait que fuir, peut-être, certainement, et ce que je vois n’est pas beau, je souffre de n’avoir comme héritage que troubles et tremblements, des eaux et des vents colère, des pages non lues aux rebords des trottoirs, des regards livides, bonjour merci, non ça se dit même plus, rivés à l’illusoire technologique, rires et vocables torturés, toutes ces ombres formatées et moi dedans, plus de pinceau ni de mots ou de notes, toucher le dernier étamine, sentir la plaine se dénuder, j’ai soif, vraiment, le beau est rivé à l’idée de l’homme, nul besoin d’éclairer ou ternir, le temps nous esquisse et se joue, notre laideur fera le reste, retrouver aux rives des brumes le sourire édenté du chamane, la moiteur volatile des soupirs, l’étouffement ouaté des râles, tout est beau dès qu’il y a substance de vie, la souillure n’est que ce que vous en faîtes,
- je vous vois, je vous cerne désormais, de ces rocs de sable qui s’effondrent au premier ressac, l’heure vient du constat, votre pierre à l’édifice, toujours fier ?
- …vos cathédrales suintent encore toutes imprégnées de vos délits, vos parlements s’empoussièrent et se tissent le pouvoir si loin du vrai, et ces doigts criards, muets d’innocence, portés au bris d’une étrave, non, pas reflet, je n’ai pas de visage, vous n’en avez non plus, l’aléatoire des consciences que vous portez comme étendard nous est fardeau, surtout pas fier, plutôt honteux du transmettre, cet héritage mort-né d’un monde meilleur, tiens, reprend un peu de dessert, des griffes de tornades qui rayent la certitude, des mosquées, des synagogues et des temples, monuments thérapeutes, l’aveuglement forcé du média, qui encense ou fait ignorance aux faits de l’histoire, qui dira la valeur d’un corps à la puante dictature du spéculateur, tous soumis, transis, bonjour monsieur le directeur, sur le siège je sais qu’ils font tous caca pareil, …donne moi de l’eau et du souffle, souris moi, aime moi, des fracas viennent qui assèchent le marécage et gonflent les océans, qui font les vents méchants, et les canons impunis, j’veux pas me perdre, si je suis transition et mouvance, simplement être goutte, rosée du matin, brillance de paupière, bave de plaisir, mon éphémère annihile l’œuvre, juste éviter les orgueils et fouiller jusqu’à la peau et l’iris, je suis votre, mon illusoire s’estompe déjà, faites !
- ce n’est pas sentence ni paradoxe, j’aime tous ces mots, parodies de conscience, je vous sens si proche, il faut bien des ponts pour relier indifférences et intérêts, puisse le naïf perdurer, votre léthargie nourrit vos bourreaux, béatitude béante, vos linceuls aux fragments d’utopie vous hantent et vous harcèlent et rien ne se bâtit, votre devenir sera celui d’être avec les vôtres et de vous y conformer, je vous vois maintenant, …ceci est la fin
- ils glissent de clairières en ruisseaux, au travers vos verticales de béton, ils s’enfleront c’est sur de trop d’insupportables, ils l’ont déjà fait, vos fleuves cesseront de charrier des cadavres, vos poubelles hémophiles à gerber vos excès, et vos discours bouffis aux creux de vos antres,
j’irai fermer les volets, c’est le froid qui vient, drap carapace aux oublis nourriciers, demain arrive et si partager les miens est verdict, toute façon pas le choix… , je ne vous vois pas, approchez, approchez encore…