viens petit
suis-moi, on va s’approcher de l’aube,
tu sais, quand le matin s’éveille,
s’étire sous les brumes des plaines fumantes,
toutes gorgées de nuit,
viens voir ce monde renaissant,
tu sais, je mange ton innocence
autant que tu croques mon vécu,
regarde la brume éparse,
nos méandres de troubles,
et toi, tout tremblant de savoir,
viens petit
pose ton baiser timide
je m’en fous du faux, heureusement,
tu sais, viennent le pourpre et l’ocre,
pions rivés au muet,
tout comme toi,
en attente d’humanisme,
oublié sous l’égo
juste les bientôt morts qui veillent au futur,
qu’importe
toi, soumis, ignorant,
et si la pluie attentait ton écran ?
t’as oublié les couleurs,
si tu savais les brumes éclatantes
et les rougeurs de révolte,
viens petit
te reste juste à éclairer ton chemin,
ton matin entre les mains,
trop tard pour prendre, furtives étincelles,
de marbre et de poussière,
les traces d’âmes génitrices,
un vent médiateur balaie les principes
et t’as rien vu
viendront les contraintes,
illettrés, experts en dérisoire numérique,
ta face sait même pas les larmes,
ah l’antalgique de l’ignorance,
bien-pensance du vide
et aveugle
docteur, je télécharge et mange bio
j’ai peur d’avoir bobo,
viens petit
penches-toi
vois ton ombre qui tremble,
essaie d’apprendre l’autre,
d’autres images,
celles de ceux qui te ressemblent
et qui meurent,
il est des terres de brumes,
qu’un barreau de lumière
comme impudeur éphémère
voudrait l’universel
et toi, tout seul et imbu,
des sables de sang et de cris,
ces lianes de peur qui ligotent,
et encore ton moi comme témoin
viens petit,
t’inquiète, j’enlèverai pas
ton appendice connecté,
sauras-tu jamais
le frisson des jambes dans l’eau froide ?
imagine l’au-delà,
mais celui du présent,
antipode à tes artifices narcissiques,
ce bout d’horizon
que tellement baigné de paraître,
même pas entrevoir,
aveugle, tu chevauches,
doigts tendus et crève l’invisible,
oui viens,
c’est inscrit ainsi,
on est tous petits…